Un peu d’histoire sur les fenêtres à mouton et gueule de loup

Naissance de la fenêtre à Gueule de Loup au milieu du XVIIIème siècle

L’histoire des fenêtres à gueule de loup, a commencé au milieu du XVIIIème siècle, où le développement de l’industrie verrière a permis la fabrication de carreaux faisant la largeur d’un vantail. Parallèlement, la naissance de la fenêtre à double vantaux sans montant central fixe a rendu nécessaire de nouvelles mises en œuvre touchant tout à la fois la menuiserie et la serrurerie.

Afin de réaliser une meilleure fermeture de la fenêtre, les deux vantaux s’emboîtent l’un dans l’autre à l’aide de la « gueule de loup » et du « mouton ».

L’espagnolette est alors imaginée pour en effectuer la fermeture. La poignée permet de la positionner de telle sorte que les battants puissent rester entre-ouverts, d’où l’expression « ouvrir une fenêtre à l’espagnolette ». Ces fenêtres sont agrémentées de volets intérieurs qui, en position ouverte, se replient en deux parties à l’intérieur des embrasements et participent à la décoration de la fenêtre.

Jusque là, les maisons se construisent indépendamment les unes des autres. A partir du milieu du XVIIIème siècle, apparaît la notion de lotissements qui s’inscrit, dans une politique de spéculation sans précédent. De nouveaux quartiers apparaissent comme celui de l’Odéon, dont l’objectif est de respecter une certaine homogénéité des façades.

C’est dans ce contexte de transformation hâtive de la capitale qu’il à fallu, en 1783 et 1784, mettre en place une réglementation urbaine concernant les alignements et ouvertures des rues de Paris qui a fini par uniformiser certains quartiers de la capitale.

XIXème siècle : La crémone vient remplacer l’espagnolette

Il s’en suit d’autres bouleversements notables : La loi Chapelier de 1791, qui libère les métiers et leur savoir-faire des carcans des corporations, la loi de 1798 qui transformera la composition des façades et le paysage urbain avec l’impôt sur les portes et les fenêtres, et enfin en 1799, la mise en place du système métrique.

L’impôt sur les portes et fenêtres a pour conséquence de modifier considérablement la proportion et la hiérarchisation des fenêtres, l’objectif pour le propriétaire étant de limiter leur nombre.

L’histoire des fenêtres à gueule de loup est aussi marquée par « l’Haussmannisation » de Paris ; la fenêtre se soumet à de nouveaux changements, dont l’alignement des étages, le dernier faisant office de corniche. Les travées s’uniformisent en alternant de façon égale les baies et les trumeaux.

Au début du XIXème siècle, la fenêtre à l’espagnolette demeure en usage, elle sera supplantée au cours du siècle par la fenêtre à crémones qui trouve son origine dans les différents modes de fermeture à bascule, prévus pour les portes et portes cochères. L’avantage de ce mode de fermeture est de pouvoir s’adapter à n’importe quel type de fenêtre quelle que soit sa hauteur. Il suffit d’adapter la longueur des tiges. Ceci ne peut se faire sur l’espagnolette puisque les crochets permettant la fermeture sont soudés à l’extrémité des tiges.

Grâce à l’évolution technique de la mise en œuvre du verre, la fenêtre Haussmannienne va finir par perdre ses petits bois supérieurs pour ne laisser subsister que ceux du bas qui sont masqués par la barre d’appui du garde corps.

XXème siècle : avènement de la fenêtre horizontale. Le métal supplante le bois.

L’histoire des fenêtres à gueule de loup est bouleversée par le nouveau mode de distribution intérieur des appartements, lequel va ensuite conditionner le percement des ouvertures. Chaque pièce finit par acquérir sa propre relation avec l’extérieur : de larges fenêtres pour les pièces de réception, parfois des bow-windows entièrement métalliques, des fenêtres plus réduites pour les chambres ou encore plus étroites pour les pièces de service. Les persiennes traditionnelles disparaissent pour céder la place à des volets métalliques repliables qui se rabattent sur le tableau.

Les plus grandes évolutions historiques apparaissent ensuite durant l’entre deux guerres. Le béton armé, largement privilégié dans les nouvelles constructions, permet de réaliser une ossature supportant les poutres et les dalles du plancher : la façade n’est plus porteuse. En rupture avec la fenêtre traditionnelle en hauteur, Le Corbusier propose de libérer le dispositif des ouvertures en fonction des espaces intérieurs et de réaliser de larges baies vitrées. La forme de la fenêtre, verticale ou horizontale devient un véritable enjeu et fait l’objet de nombreuses querelles intestines dans le monde de l’architecture, Le Corbusier étant un fervent défenseur des fenêtres horizontales.

 

Le métal devient le matériau de référence en matière d’innovation. Des nouveaux systèmes de fermeture sont mis au point : coulissant, à guillotine, pivotant. La fenêtre verticale traditionnelle disparait des nouvelles constructions; l’industrialisation fait son entrée, accentuée par les besoins urgents de reconstruction de l’après-guerre.

« L’histoire de l’architecture moderne, c’est une histoire de fenêtres ».

Le Corbusier

Source : LES FENETRES DE PARIS, Henri Bresler, mars 2002.